25 mai 2018

Miroir d’eau z’alouettes : (6) Marée populaire ? Oxymore braz !

Les manifestations populaires appellent les métaphores aquatiques : on espère un raz-de-marée mais pas de débordements, etc. Ainsi en va-t-il des rassemblements convoqués demain par plus de soixante organisations de gauche, dont le PCF, La France insoumise, l’UDB, la CGT, etc., sous le titre général « marée populaire ». Peut-être enfin le « déferlement » annoncé par Jean-Luc Mélenchon à diverses reprises depuis le mois de septembre ?

Particularité de sa version nantaise : le rassemblement aura lieu au miroir d’eau, au pied du château des ducs de Bretagne. Drôle de choix : rien n’évoque aussi peu une « marée » que ce miroir d’eau pas plus subversif que submersif. À raison de 2,6 mètres cubes d’eau étalés sur 1.300 m2, on est davantage dans le registre de la flaque que dans celui du mor braz.

Aquatique pour aquatique, il se pourrait bien que les masses populaires préfèrent aller faire leurs courses à Atlantis. Là, au moins, la fontaine bouillonne !

22 mai 2018

L’Éléphant un ton trop haut ?

Les Machines de l’île viennent de rénover de fond en comble leur Grand éléphant. Une opération à 770.000 euros hors taxes, quand même. Le nouveau moteur de la machine a apporté de mauvaises surprises. Le reste est-il réussi pour autant ?

Quant au barrissement, je dirais que non. Il me semble qu’il a aujourd’hui des accents plus souffreteux que furieux, peut-être parce que les aigus ont pris le dessus sur les graves. C'est un détail, bien sûr, mais le diable est dans les détails, comme chacun sait.

Ou bien le moment serait-il venu de consulter un oto-rhino et de me fournir chez M. Amplifon ? Est-ce le barrissement qui a faibli, ou mon ouïe ? De nombreux enregistrements disponibles en ligne permettent de se faire une idée. Voici le barrissement d’aujourd’hui selon une vidéo mise en ligne sur YouTube le 20 mai 2018. Pauvre bête ! En comparaison, le barrissement d’il y a cinq ans, selon une vidéo mise en ligne en 2013, évoquait davantage la puissance. Voilà ce que c’est que d’installer un petit moteur à la place d’un gros.

21 mai 2018

Nantes, pas un bon endroit ?


On espère que l'auteur de ce pochoir nombriliste, inscrit sur un garde-corps de la passerelle Schoelcher, était simplement de passage à Nantes. Ou alors, c'est vraiment un hypocondriaque.

14 mai 2018

Bolopoly (38) : la SoNantes cherche son salut dans le secteur public

SoNao n’est plus mais la SoNantaise tente de continuer cahin-caha.

SoNao, c’était la société chargée de gérer la SoNantes, monnaie « complémentaire » créée par Nantes Métropole et le Crédit municipal de Nantes après de nombreuses années d'études et de réflexion*. Elle a été radiée du RCS le 3 janvier ; l’annonce en a été publiée au Bulletin officielle des annonces civiles et commerciales (BODACC) des 13 et 14 janvier 2018. Son parcours n’a donc pas duré trois ans puisqu’elle avait été inscrite au RCS le 30 janvier 2015.

« Le plan d’affaire qui a été monté prévoit un équilibre en trois ans », avait annoncé son président, Pascal Bolo, premier adjoint de Johanna Rolland, lors du conseil municipal du 19 décembre 2014. En réalité, SoNao a réussi à accumuler plus de 750.000 euros de pertes dans ses deux premières années. Les comptes de la troisième année n’ont pas été publiés. Tout porte à croire qu’ils étaient pires. Félicitations consternées aux auteurs du plan d’affaire.

Aux côtés de SoNao, une association, La SoNantaise, était chargée d’assurer une animation parmi les adhérents du système. On lui a refourgué le bébé en totalité, histoire de poursuivre l'aventure tout en brouillant les pistes**. Elle a tenu son assemblée générale dans les locaux du Voyage à Nantes le 16 avril 2018.

Elle revendiquait à cette date 190 adhérents professionnels (ceux auprès de qui on peut payer en SoNantes) et 1.465 adhérents particuliers. Il est intéressant de noter que la page Facebook de la SoNantes a reçu 2.551 mentions « J’aime » : les internautes ne confondent pas l’amour et les finances. Le 17 octobre dernier, La SoNantaise annonçait à Frédéric Brenon, de 20 Minutes, 177 entreprises et 1.473 particuliers adhérents.

Six mois plus tard, il y aurait donc un petit mieux côté entreprises ? Pas vraiment. En janvier 2018, la page Facebook de la SoNantes annonçait l’adhésion en bloc de 60 nouveaux professionnels membres du Réseau d’entreprises du vignoble (REVEL). Le nombre d’adhérents aurait donc dû bondir à 177 + 60 = 237. En réalité, il n’a jamais dépassé 206. Il n’est plus que de 183 aujourd’hui.


Au fur et à mesure que les entreprises « normales » prennent la tangente, la proportion des adhérents obligés ou presque augmente mathématiquement. Qui sont-ils ? Pour commencer, La SoNantaise elle-même ! Puis des sociétés d’économie mixte ou des sociétés publiques locales comme Nantes Tourisme, Les Machines de l’île, Le Château des Ducs (bon, ces trois-là ne sont que des départements d’une même entité, le Voyage à Nantes, mais les distinguer permet de faire nombre), Le Lieu Unique, la Semitan, Nantes Métropole Habitat, La Folle Journée, le Centre des congrès, Exponantes, etc. On trouve aussi des entités associatives ou coopératives subventionnées par la métropole comme Les Écossolies, Le Cinématographe, la Fondation Université de Nantes, La Ligue de l’enseignement, etc. Ainsi que plusieurs fournisseurs de Nantes Métropole.

Les responsables du système n'ont pas voulu révéler le 16 avril le montant des échanges en SoNantes en 2017. Mais de toute évidence ils sont très faibles : beaucoup d'adhérents particuliers ont abandonné leur carte SoNantes au fond d'un tiroir. Les cotisations versées par les professionnels ne devraient représenter que 40.000 euros dans le budget 2018 de la SoNantaise.

Or il lui faut plus de trois fois ça pour vivre. Qui comblera le trou ? Nantes Métropole, obligée de faire profil bas après le fiasco SoNao, ne versera que 10.000 euros de subvention. Sur qui d'autre compter ? Sur les pseudopodes de Nantes Métropole comme la Semminn, la Semitan***, la Cité des congrès et plusieurs autres, qualifiés de « partenaires institutionnels » et invités à payer des super-cotisations de 5.000 ou 10.000 euros. Aux restaurants désireux de figurer dans le guide Les Tables de Nantes, Le Voyage à Nantes, son éditeur, offrirait gracieusement une année d'adhésion. Les contribuables métropolitains continueront donc à financer indirectement l'aventure foireuse de la SoNantes.
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* Le projet porté par Pascal Bolo avec le soutien de Jean-Marc Ayrault avait été inscrit à l'Agenda 21 de Nantes en 2006. D'abord prévu pour 2013, le lancement de la SoNantes avait été reporté à avril 2015.
** Certains ne jouent pas bien le jeu. À ce jour encore, Nantes ouverture des données (NOD), le service d’open data  de Nantes Métropole, propose une « Liste des adhérents professionnels à SoNantes » dont le gestionnaire serait « SoNao, filiale du Crédit municipal de Nantes » et le diffuseur Nantes Métropole. À en croire NOD, le jeu de données est pourtant mis à jour quotidiennement. Actualisation au 11 juin 2018 : NOD a corrigé ses informations sur le gestionnaire de SoNantes. Mais quand ça veut pas, ça veut pas : sa nouvelle page indique que le jeu de données aurait été modifié le 14 juin 2016 avant même d'être créé, le 22 février 2018.
*** On notera que Pascal Bolo, père fondateur de la SoNantes et président de feu la SoNao, est président de la Semminn (gestionnaire du MIN) et préside la Semitan en tant que représentant de Nantes Métropole. Le monde est petit.

10 mai 2018

Mémorial de l’abolition de l’esclavage : la casse alourdit l’addition

Le 10 mai, c’est LE jour dans l’année où le Mémorial de l’abolition de l’esclavage attire un peu de monde grâce à une cérémonie officielle. Cette année est annoncée spéciale parce qu’on fête les 170 ans de l’abolition définitive de l’esclavage en France (et peut-être un peu aussi parce que les prochaines élections municipales ont lieu dans deux ans).

À l’approche de cet anniversaire capital, quelqu’un à Nantes Métropole a dû s’aviser que le Mémorial n’était pas présentable en l'état. Huit de ses grandes lames de verre sont cassées depuis des mois déjà. Et l’on s’est aperçu que rien n’était prévu pour les réparations. On s’est donc soucié, mais un peu tard, de lancer un appel d’offres en vue du remplacement des vitrages cassés (et tant qu’à faire, d’éventuels remplacements futurs). Les réponses sont attendues au plus tard le 31 mai à midi.

Ce n’est pas un travail de vitrier ordinaire. Le « dossier d’intervention ultérieure sur l’ouvrage » rédigé en 2012, une fois la construction du monument achevée, par le cabinet italien Ingenio Group, révèle qu'à peu près rien n'a été prévu pour faciliter les réparations en cas de casse.

  • Vous aviez l’impression que les quarante-six vitrages hauts visibles au niveau du quai de la Fosse étaient identiques ? Erreur, « tous les vitrages sont différents ». Si leur hauteur est la même, leur largeur varie de 1,565 m à 2,720 m. Pas question de détenir un stock de lames de rechange, il faut les refaire individuellement à l’identique.
  • À chaque vitrage est collé un profil inox ; Ingenio conseille de le refabriquer intégralement. Pour le réutiliser, il faudrait enlever le vitrage cassé avant de commencer la fabrication de son remplaçant. Le Mémorial prendrait l’aspect d’une mâchoire édentée. Et il faudrait deux opérations de levage délicates, l’une pour enlever l’ancien vitrage, l’autre pour poser le nouveau.
  • Donc, refabrication du profil. Ce qui n’est pas si simple, à en croire Ingenio : « Dans le cas que les profils inox soient à ré fabriquer, il est nécessaire consulter les plans de collage VEC série vvv inclus dans les fiches de production des vitrages et individuer les codes de production et les quantités nécessaires des profils. »
  • Les matériaux et traitements mis en œuvre sont « en partie de type standards et en partie spéciaux ». Pour ces derniers, Ingenio préconise de recourir aux fournisseurs d’origine : Arcon (Allemagne), Cricursa (Espagne), Dow Corning Europe (Belgique), Rubbersil (Italie), AGC Glass (Belgique), Dekormat Glass (Espagne), Carpenteria Carena (Italie) . Le système de collage a fait l’objet d’essais de résistance spécifiques. Si l’on utilise des produits différents, ces essais devront être refaits.
Passons en vitesse sur les différentes contraintes techniques et matérielles de la dépose/repose des vitrages, cataloguées par Ingenio. Il faut prévoir un camion-grue, un palonnier à ventouse électrique, un palan à chaîne, des bâches et chevalets et même quelques « outils spécifiques consignés à Nantes Métropole ».

Deux des vitrages cassés comportent des inclusions de texte. Il faudra les refaire. La sérigraphie d’origine avait posé de sérieux problèmes techniques et causé des sueurs froides à Nantes Métropole. Sa réfection ne sera pas forcément plus aisée. L’avis de marché désigne un seul interlocuteur : l’espagnol Cricursa, qui connaît les textes à sérigraphier. Mais, à en croire Ingenio, un claquement de doigts ne suffira pas :

Les cadres pour cotiser les graphiques sur les plaques sont stockés chez Arcon ( en Allemagne). Il faut vérifier que le cadre soit encore utilisable et s’accorder avec le fabricant pour le délais minimale de production, normalement les industrie qui réalisent le coating doivent contrôler leur planning de production et vérifier pour quelle date est prévue la première « campagne de coting » avec le métal en objet à déposer sur le verre . En autre mot, il n’est pas possible demander un seul vitrage d’urgence sur commande. Ces caractéristiques font que soit pas évident établir exactement les temps de fabrication, en particulier pour les verres avec texte, parce qu’ils vont dépendre de plusieurs facteurs strictement lié au producteur des vitrages et du coting.

Le vitrier attributaire du marché devra donc être un technicien d’élite doublé d’un diplomate multilingue. Nantes Métropole, qui n’avait rien prévu, le laissera se débrouiller.
Mais pas d’inquiétude, tout est faisable, c’est juste une question d’argent et c’est le contribuable métropolitain qui paiera. Combien ? L’avis de marché fixe le seuil maximum à 600.000 euros hors taxes.

De glissements des délais en dérapages financiers, la construction du Mémorial avait déjà coûté presque 8 millions d’euros aux Nantais. Il faut y ajouter chaque année des prestations externalisées de nettoyage (si la mémoire nantaise est souillée, le Mémorial, lui, doit rester impeccable en permanence) et de télésurveillance. (Les douze caméras installées sur le site ne semblent pas avoir fait la preuve de leur efficacité puisque, apparemment, les vandales courent toujours.) On n’avait pas encore compté la casse. En visitant les lieux cet après-midi, Jean-Marc Ayrault aura matière à réflexion.

09 mai 2018

La grille du palais de justice, défectueuse comme le reste

Voici des années qu’on n’a guère vu le palais de justice de Nantes sans échafaudage, barrières de chantier ou ruban de balisage. Ce bâtiment souffreteux construit en 2000 et récemment rénové à grand frais comportait au moins un élément sain et solide : son vaste parvis d’une cinquantaine de mètres de profondeur. Ça, au moins, c’était du costaud et du majestueux.

Hélas, ce parvis a été tranché sur toute sa largeur par une rangée de plots métalliques, puis par une grille protectrice, installée voici deux ans. La malédiction du palais de justice n’a pas tardé à frapper : la grille ne fonctionne plus ! Une grille en panne : la justice nous étonnera toujours. Dans l’espoir de dissuader les malfrats, les rubans de balisage sont de retour.

06 mai 2018

Qu’allaient-ils faire dans cette Maker Faire ? (9) Fin du rêve américain pour Les Machines de l'île

Si je me trompe, je le dis. Mais il m’arrive de parler trop vite. Après l’organisation d’une « Maker Faire » à Nantes en 2016, j’avais exprimé mon scepticisme sur la réédition de l’événement : sa fréquentation était inférieure aux normes fixées par Maker Media, Inc., propriétaire du concept. Et la confusion des rôles entre Les Machines de l’île et un partenaire en faillite ne facilitait rien. « On dirait que je me suis trompé », avais-je écrit en mars 2017 quand une seconde Maker Faire nantaise avait été officialisée (tardivement) par Maker Media.

Extrait de la page Facebook des Machines de l'île
Disons que j’avais eu raison trop tôt : Les Machines de l’île viennent d'annoncer l’organisation en juillet prochain d’une manifestation dépourvue du label « Maker Faire ». Selon les explications obscures de Pierre Orefice, le problème viendrait d’un désaccord entre Les Machines et Leroy-Merlin – qui a signé un accord national avec Maker Media… Il y aura des Maker Faire françaises à Grenoble, Lille, Metz, Paris, Perpignan, Rouen, Strasbourg, mais pas à Nantes. Quant au site web ad hoc www.makerfairenantes.com, il renvoie aujourd’hui à un site porno.

On ne va pas reprocher aux Machines de l’île de se débrouiller seules sans rien demander aux Américains. Il existe déjà, à Nantes et ailleurs, un grand nombre de manifestations autour de la science, de la technologie et de la créativité : une de plus ne peut pas faire de mal. On peut juste se demander pourquoi lui donner un nom anglais, Nantes Maker Campus, qui entretient la confusion puisque la Maker Faire nantaise de l’an dernier était déjà organisée sous ce nom.

La perte du label Maker Faire est néanmoins fâcheuse pour Les Machines de l’île, qui l’interprétaient comme une reconnaissance internationale. « Nous avons été reconnus par les fondateurs californiens du mouvement des makers et leurs représentants français comme de grands makers », se rengorgeait Pierre Orefice « Ils nous ont sollicités pour organiser à Nantes, sur le site des Machines, une Maker Faire européenne qui nous ressemble. » Les grands makers ne seraient-ils plus que de petits faiseurs ? En tout cas, on ne les sollicite plus, même pas pour une Maker Faire locale.

La désillusion doit être cruelle pour Pierre Orefice, qui multipliait les signes d’allégeance aux « fondateurs californiens du mouvement des makers », Dale Dougherty et Sherry Huss. « On a tissé de nombreux relais ces dernières années avec le réseau des Maker Faire », assurait-il en septembre dernier à Frédéric Brenon, de 20 Minutes. Il avait notamment participé avec plusieurs de ses collaborateurs à la Maker Faire de San Francisco 2017 où, disait-il, « on est reçus comme des rois »*. Ses voyages en Californie n’auront pas été un bon investissement pour les Machines de l’île !

La présentation du Nantes Maker Campus sur le site web des Machines de l’île renvoie encore à cette heure (mais ça pourrait ne pas durer !) à un curieux document qui reprend (imprudemment ?) l’équation Nantes Maker Campus = Maker Faire et le coup de chapeau aux « fondateurs californiens ». Ce document date de mars dernier comme le signale son URL (https://www.lesmachines-nantes.fr/wp-content/uploads/2018/03/NMC-2018.pdf). Il est donc probable que Les Machines de l’île espéraient encore il y a un mois et demi présenter le Nantes Maker Campus (NMC) sous le label Maker Faire.
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* Ce qui ne signifie probablement rien d’autre que « le client est roi » puisque Maker Media est une entreprise commerciale et que les stands des Maker Faire sont payants.

04 mai 2018

Le monument aux Cinquante Otages protégé… avec un retard providentiel

Le Journal officiel du 3 mai 2018 a publié la liste des immeubles inscrits sur la liste des monuments historiques en 2017. Il met ainsi en lumière des décisions qui datent de l’an dernier, trop peu remarquées en leur temps.

À Nantes, trois immeubles sont concernés : la salle de spectacle de Saint-Joseph de Bel-Air, rue de Bel-Air, la villa Jeannette, 98 boulevard des Anglais, et le monument aux Cinquante Otages. Ce dernier a fait l’objet d’un arrêté préfectoral de classement le 10 mai 2017.

Tiens, comment se fait-il que ce monument à la fois si visible et si révéré n’ait pas été protégé depuis longtemps ? Quelle qu’en soit la raison, ce retard a bien arrangé la ville de Nantes. Elle en a profité pour rogner, ni vu ni connu, un bout du monument. Et pas seulement une fois, mais deux : lors de la construction de la ligne 2 de tramway sur le quai de Versailles en 1993, puis en 2014, ainsi que je l’avais signalé à l’époque. Jean-Marc Ayrault, Johanna Rolland, même vandalisme !

Comme un dessin vaut mille mots, le relevé topographique joint à l’arrêté du 10 mai 2017 est très explicite : on voit que le monument (délimité en rouge), parfaitement symétrique à l’origine, a été amputé de son extrémité nord-ouest.

02 mai 2018

L’Arbre aux Hérons sur Kickstarter : aurait pu mieux faire

« Oui, nous sommes satisfaits par l’opération de financement participatif », proclame Laurence Garnier : si même l’opposition municipale nantaise vante son bilan, c’est sûrement que la campagne en faveur du projet L’Arbre aux Hérons / The Herons’ Tree sur Kickstarter est un grand succès.

Bien entendu, 373.525 euros recueillis par le projet pour 100.000 demandés, c’est un succès. Mais pas si grand que ça.

D’abord, le montant visé n’était pas très ambitieux. Même Laurence Garnier en convient : « 100.000 euros, je trouvais ça extrêmement modeste ». Ça n’était que 0,29 % du budget prévu pour la construction de L’Arbre aux Hérons. Et 373.525 euros obtenus, ça n’est encore que 1,07 % du montant nécessaire. Pas de quoi pavoiser.

Le financement sollicité avait-il été délibérément minoré ? La règle en vigueur sur Kickstarter est celle-ci : « Votre objectif représente le financement minimum dont vous avez besoin pour aller au bout de votre projet et produire, puis expédier, vos récompenses. » L’Arbre aux Hérons était d’emblée hors des clous puisqu’il n’était pas question de solliciter les 35 millions d’euros du projet total, ni même le tiers à la charge du secteur privé (« Il nous faut trouver 12 millions d’euros de financement privés pour ce projet », soulignait Pierre Orefice lui-même). Dès lors, le montant demandé était forcément arbitraire.

Arbitraire et pas franc du collier puisque, en septembre 2017, Pierre Orefice annonçait un objectif officiel de 200.000 euros au lieu de 100.000. La division par deux de l’objectif affiché ne pouvait être destinée qu’à embellir le résultat final. En effet les organisateurs ne cachaient pas qu’ils comptaient obtenir en réalité bien plus que le montant demandé. Combien ? « Le cocréateur de l’Arbre aux hérons se dit qu’il n’est pas impossible que la cagnotte dépasse les 500 000 euros, voire le million d’ici la fin du mois d'avril, quand la campagne prendra fin », écrivait Pierre Schneidermann dans Konbini après avoir interrogé Pierre Orefice (cf. http://www.konbini.com/fr/tendances-2/nouveau-projet-machines-de-nantes-carton-kickstarter/). Le résultat obtenu est très inférieur à ces espérances.

Un gros Kickstarter quand même

Une comparaison avec d’autres campagnes relativise le bilan. Chez Kickstarter, la moyenne des sommes récoltées est de l’ordre de 20.000 euros par projet réussi. L’Arbre aux Hérons / The Herons’ Tree est donc un projet important. Mais 288 projets ont obtenu plus de 1 million de dollars, soit un peu plus de 830.000 euros ‑ plus de deux fois le montant obtenu par le projet nantais.

Les projets les mieux financés ne sont pas uniquement américains. Parmi eux figurent plusieurs projets français comme le jeu The Seventh Continent - What Goes Up, Must Come Down, plus de 7 millions de dollars obtenus auprès de 43.733 contributeurs, un appareil photo à 360 degrés, pas loin de 1,5 million de dollars et de 4.000 contributeurs ou une douche high-tech, 763.412 euros pour 6.167 contributeurs. L’Arbre aux Hérons n’est que le treizième projet français le mieux financé sur Kickstarter.

Cependant, la comparaison doit être nuancée en sa faveur. La grande majorité des projets prévoient parmi les récompenses des produits qui en sont issus – des exemplaires du jeu The Seventh Continent, par exemple. Ce sont des ventes anticipées. À ce jour, L’Arbre aux Hérons n’a rien à vendre : sa construction n’est même pas acquise. Et s’il est construit en définitive, on ignore qui l’exploiterait. Probablement pas M. Hug de Larauze, qui ne peut prendre d’engagements pour autrui bien que Kickstarter le désigne comme responsable du projet. (N.B. Les plus gros contributeurs ont néanmoins droit à dix ans d’accès gratuit à L’Arbre aux Hérons ; juridiquement, le transfert de cet engagement de M. Hug de Larauze au futur exploitant de L’Arbre aux Hérons pourrait être un peu acrobatique, sans parler du traitement fiscal de ces « pass » dont la valeur pourrait être estimée à 380 euros l’un par analogie avec ceux des Machines de l’île.)

Bien moins de contributeurs qu’espéré

Selon les promoteurs de L’Arbre aux Hérons, le plus important dans la campagne sur Kickstarter n’était pas l’argent, c’était de faire participer beaucoup de gens au projet. Ils avaient même chiffré leur objectif : 7.500 contributeurs – et il est probable que, comme pour le montant, ils en espéraient secrètement beaucoup plus (au bout de quelques jours de campagne, Pierre Oréfice annonçait à Presse Océan un nouvel objectif de 10.000 donateurs). Avec 5.511 contributeurs en définitive, ils en sont loin.



Peut-on se faire une idée du nombre de contributeurs vraiment espéré par une campagne ? Oui, quand le nombre de récompenses est limité à l’avance, ce qui n’est pas rare chez Kickstarter. Parmi les récompenses prévues pour L’Arbre aux Hérons / The Herons’ Tree figurait un croquis dédicacé et numéroté de 1 à 250 pour les plus gros contributeurs (1.000 euros) et de 251 à 750 pour les contributeurs à 500 euros. Sur ces 750 tirages, 135 seulement ont trouvé preneur (18 %).

Les 5.511 contributeurs ne représentent même pas 1 % de la population de Nantes Métropole. Où les contributeurs ne résident pas tous, bien entendu. Persuadés que le monde n’a d’yeux que pour leur projet, ses créateurs comptaient beaucoup sur les Américains. « On peut même avoir davantage de soutien aux Etats-Unis (...) qu’en France », gambergeait Pierre Orefice, interrogé par Frédéric Brenon dans 20 Minutes. En définitive, 292 contributeurs résident aux États-Unis (un certain nombre d’entre eux étant sans doute d’origine nantaise), soit 5,3 % du total. On peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide ; en tout état de cause, ce n’est pas un raz-de-marée.

Une comparaison ? Ludovic Roudy et Bruno Sautter, créateurs parisiens de The Seventh Continent déjà cité plus haut, ont convaincu plus de 16.000 contributeurs américains, soit près de 37 % du total. Il est vrai que leur campagne, en principe moins ambitieuse que celle de The Herons’ Tree (l’objectif était fixé à 40.000 dollars) a été menée avec bien plus de professionalisme, sans parler de la qualité intrinsèque du projet.

Il était aussi espéré un franc soutien des correspondants européens du festival américain Burning Man, qui se sont réunis à Nantes du 5 au 8 avril. Ces jours-là et les suivants comptent parmi ceux où la campagne a recueilli le moins de contributions (entre 39 et 71 par jour).

Les 5.511 contributeurs ne représentent que 9,3 % des 59.292 abonnés, à cette heure, au compte Facebook des Machines de l’île. Chaque jour ou presque, un rappel sur la campagne Kickstarter en cours a pourtant été publié sur ce compte. Sans parler des posts fréquents sur la page de la ville de Nantes (plus de 88.000 abonnés) et d’autres. L’enthousiasme mollit quand il s’agit de mettre la main à la poche.