25 avril 2012

Visite au Mémorial de l’abolition de l’esclavage (4) : une vocation bâtarde

L’abolition de l’esclavage devrait inspirer l’enthousiasme : pourquoi a-t-on construit à Nantes ce monument sinistre au moralisme pesant ? Voici comment Jean-Marc Ayrault tentait d'exposer dans son blog  la vocation du Mémorial :

« Il marque de manière solennelle et durable le rapport que doit entretenir Nantes et son territoire à son histoire de premier port négrier de France, à honorer la mémoire de ses victimes et à saluer le courage de ceux qui, là-bas et ici, esclaves, les premiers, abolitionnistes, hommes et femmes illustres ou anonymes des continents africain, américains du Sud et du Nord, européen, des Antilles et des Caraïbes, se dressèrent, se soulevèrent, se révoltèrent, menèrent et mènent le combat contre l’esclavage, résistent et résistèrent à toutes formes d’asservissements et d’avilissement de la dignité humaine. »

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. Cette phrase de cent mots à la syntaxe douteuse (à quoi se rapporte « ses victimes », par exemple ? Au rapport, à Nantes et à son territoire... ?) montre combien il est difficile pour le maire de Nantes d'expliquer la philosophie du Mémorial*. Ce dernier est en réalité l'enfant bâtard, péniblement accouché après plus de douze ans de gestation, de deux courants divergents : les chantres de la repentance et les hérauts de l'abolition. Il multiplie les gages aux premiers qui ont bruyamment réclamé ce monument pendant des années. C’est un acte de contrition qui ne dit pas son nom : comme eût dit Orwell, l’abolition, c’est la repentance !
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* Jean-Marc Ayrault a d’ailleurs quelques difficultés avec la question de l’esclavage en général. « Lutter contre toutes les formes d’esclavages », écrivait-il dans un autre article de son blog, « c’est aujourd’hui honorer la mémoire des victimes innocentes de la tragédie de l’école juive Ozar Hatorah de Toulouse et celles de nos soldats assassinés à Toulouse et à Montauban, victimes de l’antisémitisme et du fanatisme. » Le rapport entre la lutte contre l’esclavage et les crimes de l’islamiste Mohammed Merah paraît quand même bien lointain.

2 commentaires:

  1. Je pense qu'il faut conseiller la lecture du livre d'Emmanuelle Cherel édité par les Presses Universitaires de Rennes : Le Mémorial de l'abolition de l'esclavage de Nantes .Enjeux et contreverses ( 1998-2012).Cordialement . Alain Le Provost

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  2. sans aucun doute, ouvrage à lire ,toutefois,pp213/220,le chapitre sur les commémorations comporte trop d'erreurs factuelles, d'anachronismes et d'omissions pour une compréhension de ce qui s'est joué dans ces années où certain secteur associatif local a plongé la ville avec délice dans les turbulences des influences postcolonialistes, jusqu'à étouffer? velléités de libre création/expression sur le sujet à Nantes,
    pour la réflexion, peut être aussi mettre en perspective la construction de ce récit historique avec l'imaginaire sur le sujet parallèlement proposé par les services culturels et les scènes nationales .

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