25 octobre 2013

Congrès et tourisme : Nantes boite des deux jambes

On évoquait ici l’autre jour les efforts désespérés de Nantes Tourisme pour gonfler la fréquentation touristique de la ville. Pourquoi se donner tant de mal ? On pourrait se dire qu’après tout, la ville n’a pas à se plier aux désirs d’une corporation. Les hôtels n’ont pas assez de clients ? Ce n’est pas aux contribuables de leur venir en aide.

Mais ce n’est pas aussi simple ! Nantes a voulu devenir une ville de congrès. Pour cela, avoir une Cité des congrès ne suffit pas, il faut aussi une offre hôtelière de bon niveau. Or de grands hôtels ne peuvent vivre uniquement sur les congrès : il leur faut aussi des clients le week-end et hors saison. Ce n’est pas un hasard si les grandes villes de congrès, de Nice à Las Vegas en passant par Deauville et Vienne, n° 1 international, sont aussi des villes touristiques. Pour les attirer, la municipalité de Jean-Marc Ayrault a donc promis aux grands de l’hôtellerie que Nantes allait devenir une ville touristique. Les hôteliers sont venus ; Nantes Métropole n’a pas assuré.

A-t-elle fait mieux avec la contrepartie du tourisme, les congrès ? En 2012, Nantes stagnait au 207ème rang mondial des villes de congrès, selon le classement de l’International Congress and Convention Association. Et pourtant, sur ce plan aussi, Nantes gonfle artificiellement ses chiffres aux frais des contribuables. Le Forum mondial des droits de l’Homme en donne un exemple clair et consternant.

Cette manifestation est organisée par la Cité des congrès pour le compte du Secrétariat international permanent des droits de l’Homme, une association de droit privé suscitée par les milieux municipaux. Ce Secrétariat est financé par des subventions. Mais ça ne suffit pas encore : les collectivités locales subventionnent aussi son Forum... pris en compte bien sûr dans les statistiques internationales des congrès. Dira-t-on que rien n’est trop beau pour une si noble cause ? Erreur : c'est au nom de son intérêt propre, et pas au nom des droits de l’Homme, que Nantes Métropole paie. La convention passée avec la Cité des congrès est explicite : « Le Forum participe, par son rayonnement à la promotion du territoire de Nantes Métropole à l’international ».

Pour assurer la légalité de son financement, d'ailleurs, Nantes Métropole invoque l’article L.1523-7 du code général des collectivités territoriales « qui permet aux collectivités […] d’accorder aux sociétés publiques locales ‘des subventions ou des avances destinées à des programmes d’intérêt général liés à la promotion économique du territoire » (en réalité, l’article L.1523-7 ne vise pas les sociétés publiques locales mais les sociétés d’économie mixte). Hélas, la délibération autorisant cette subvention à une manifestation « qui se déroulera [sic] du 22 au 25 mai 2013 à la Cité Internationale des Congrès » a été votée… le 24 juin 2013.

Mais revenons à la « promotion du territoire de Nantes Métropole à l’international ». Le montant de la subvention est de 370.000 euros, soit 62 % du budget total, l’essentiel du reste étant aussi  financé par les contribuables via le département, la région, le ministère des Affaires étrangères, etc. Les participants n’ont rien payé, zéro euro, zéro centime (tandis que les intervenants ont coûté près de 88.000 euros). Moyennant ces 370.000 euros, quelle promotion internationale la communauté urbaine s’est-elle assuré ? La réponse se trouve sur le site web du Secrétariat permanent : le Forum 2013 « a réuni quelque 2300 participants dont 220 intervenants venus du monde entier ». La promotion « économique» du territoire nous a donc coûté près de 1.682 euros par étranger présent.

23 octobre 2013

50 orages

Le nouveau profil du cours des 50 Otages a été habilement calculé de manière à rappeler par endroits qu'il fut jadis un cours d'eau.

18 octobre 2013

Le cadeau des contribuables nantais aux touristes pour la Toussaint 2013

Du 18 octobre au 3 novembre , Nantes Tourisme propose une « offre promo famille » pour les vacances de la Toussaint. L’office de tourisme cherche à rameuter les visiteurs : rien à redire, c’est son boulot. La nature de l’offre étonne quand même : une réservation d’une nuit pour quatre personnes via Nantes Tourisme donne droit à un « Pass famille 24 heures » gratuit. Prix minimum de la chambre : 66 euros. Valeur du cadeau : 67 euros !

Extrait de la page d'accueil du site web de Nantes Tourisme le 18 octobre 2013
Car ce Pass Nantes n’est pas un simple gadget : il inclut les transports en commun et en bus touristique, la visite du musée du château des ducs de Bretagne, de la Galerie des machines ou du Carrousel des mondes marins et d'une dizaine d'autres attractions, des consommations à La Cigale, au Nid, à la Guinguette de Trentemoult, aux Oubliettes (dans la cour du château), une croisière sur l’Erdre, des visites guidées, des réductions dans certains magasins, etc. Au détail, la facture pourrait aisément dépasser les 100 euros. À 67 euros, le Pass famille est déjà une affaire pour les touristes. Mais gratuit…

Soupçonnera-t-on Nantes Tourisme de se rattraper sur les commissions ? Même pas : les prix des hôtels sont à peine différents de ceux proposés sur des sites de réservation classiques comme Bookings ou Lastminute. Le Pass famille est bel et bien bradé.

Qu’est-ce que ça cache ? On imagine que le Voyage à Nantes, dont dépend Nantes Tourisme, cherche à se concilier les hôteliers. Comme ces derniers n’ont pas vu la couleur du prétendu « succès » de la promo estivale, forcément, ils grondent. Et les municipales, c’est dans cinq mois…

Cette offre de Toussaint est un aveu d’échec implicite du Voyage à Nantes 2013 : si celui-ci avait vraiment fonctionné, Nantes Tourisme n’aurait pas besoin d’acheter de la fréquentation à un prix aussi élevé. Suffira-t-elle à faire taire les récriminations (tout en gonflant la fréquentation en berne des Machines) ? À voir, mais le cadeau fait aux touristes ne devrait pas rassurer les Nantais. Car son coût, bien réel, sera supporté par les contribuables. La SPL Le Voyage à Nantes a palpé 19.292.437 euros de subventions d’exploitation en 2012. C’est déjà 39,6 % de plus qu’en 2011 ! Pour 2013, les paris sont ouverts.

17 octobre 2013

Qui croit encore aux chiffres du Voyage à Nantes ?

Combien a rapporté Le Voyage à Nantes 2013 ? C’est écrit en toutes lettres dans le « Bilan de l’événement estival 2013 » établi par les services de Jean Blaise : ses « retombées économiques » s’élèvent à 52,3 millions d’euros.

Oui, enfin… en incluant les dépenses des estivants venus à Nantes en juillet-août 2013 pour voir, non les bonzoms de Cordal, mais le portrait de Madame de Senonnes au musée des Beaux-arts (mauvaise pioche) ou le reliquaire du cœur d’Anne de Bretagne au musée Dobrée (idem), ou tout simplement la famille ou les amis. Rapportés à 52.3 millions d’euros de chiffre d’affaires, les 3 millions d’euros du Voyage à Nantes 2013 paraissent un budget promotionnel acceptable (5,6 %). Mais si seuls 10 % des visiteurs sont venus pour la promo estivale, le coût de celle-ci est prohibitif : pour attirer 1 euro de dépense à Nantes, on aurait dépensé 0,57 euro en frais de promotion !

Comme on l’a dit dans le billet précédent, tous les chiffres affichés dans le bilan du Voyage à Nantes 2013 sont extrapolés à partir d’une donnée unique : les déclarations de taxe de séjour, c’est-à-dire le nombre de personnes ayant séjourné au moins une nuit en hébergement marchand (+ 7,9 % par rapport à 2012). Comment savoir combien de visiteurs sont venus à Nantes cette année en passant la nuit chez des amis ou en ne restant que la journée ? Apparemment, le Voyage à Nantes a repris la fréquentation de l’an dernier et lui a appliqué un taux d’augmentation de 7,X %. Puis il a considéré que chaque visiteur avait dépensé autant d’argent que l’an dernier : 55 euros par jour pour un touriste en hébergement marchand, 35 euros pour un touriste en hébergement non marchand, 42 euros pour un excursionniste à la journée.

Une telle extrapolation est hautement aléatoire. Par exemple, de nombreux acteurs du tourisme estiment que les estivants ont serré les cordons de la bourse cette année : le chiffrage du Voyage à Nantes n’en tient pas compte. Et puis, que valent les chiffres pris pour base ? Ils sont issus d’un sondage mené l’an dernier auprès de 1.713 personnes prises au hasard sur cinq lieux touristiques de Nantes au cours de l’été 2012, sans la moindre certitude que cet échantillon soit représentatif. Qui plus est, les chiffres ont été « redressés » par le cabinet qui a réalisé l’étude. Le montant des dépenses des excursionnistes paraît spécialement douteux. Une famille de quatre personnes venue de Rennes pour la journée dépense-t-elle vraiment 42 x 4 = 168 euros à Nantes ? Se pourrait-il que les sondeurs n'aient interrogé que des adultes… alors que les enfants sont compris dans le nombre total de visiteurs ? Les sondeurs sont des pros qui ne feraient pas ce genre d’erreur ? Il faut rappeler que la même étude réalisée par le même prestataire à l’été 2011 s’était révélée complètement fausse !
 
Cet empilement de calculs hasardeux n’a pas empêché Jean Blaise de prendre les 52,3 millions d’euros pour argent comptant. Mais on dirait que ses affichages soulèvent désormais quelque scepticisme. Si le site web de la ville de Nantes reprend sans sourciller le montant allégué, rares sont les médias à en faire autant. Ouest-France entreprises signale que « l'été 2013 est qualifié ‘d'été record’ par Le Voyage à Nantes » mais se garde bien d'indiquer un chiffre. Métro observe une prudente neutralité :  « les retombées économiques sont estimées à 52,3 millions d’euros sur le territoire, 3,8 millions de plus que l’an passé, affirme Jean Blaise ». Idîle se contente d’un conditionnel : « les dépenses des 650 000 visiteurs extérieurs estivaux s’élèveraient à 52,3 millions d’euros ». Beaucoup d'autres se sont abstenus. La parole de Jean Blaise est d’argent comptant, le silence de la presse est d’or.

08 octobre 2013

L’étrange bilan du Voyage à Nantes 2013

Le Voyage à Nantes dresse le bilan de son opération estivale 2013. Il annonce des résultats records. Les touristes se sont précipités à Nantes, la bourse largement ouverte. Sauf que ses propres données ne racontent pas tout à fait cette histoire-là. Ses calculs sont établis, dit-il, à partir
  1. des nuitées déclarées pour la taxe de séjour en 2013,
  2. des données INSEE de l’été 2012, car celles de 2013 ne sont pas encore connues,
  3. des résultats d’une enquête G&A Links de 2012.
Ce qui signifie donc en pratique que le bilan 2013 est calculé exclusivement à partir des données de la taxe de séjour. Tout le reste est extrapolation ! Or la méthode d’extrapolation est la même qu’en 2012 ; on a dit ici quelles réserves elle appelle.

Mais la taxe de séjour, au moins, c’est des chiffres « en dur », incontestables et objectivement comparables à ceux de l’an dernier ? Ce n’est même pas certain. Nantes Métropole vient de mettre en service un logiciel de télédéclaration de la taxe de séjour fourni par un éditeur de Lannion, 3D Ouest. On sait que ce genre d’outil réclame presque toujours une période de rodage. Il faudra quelques mois de recul pour être certain que les chiffres sont fiables et que leur périmètre est inchangé. En les prenant pour argent comptant, les services de Jean Blaise ont confondu vitesse et précipitation.

En l’état, que disent ces chiffres ? Le nombre de nuitées a augmenté de 37.000 par rapport à 2012 sur les deux mois du VAN, soit + 9,3 %. Mais l’évolution était déjà de + 8,3 % sur l’ensemble du premier semestre 2013 ; par rapport à cette tendance de fond, l’effet spécifique du Voyage à Nantes se limiterait donc à un petit point, quelque chose comme 4.000 nuitées.

Or, admet le Voyage à Nantes lui-même, le gain enregistré en juillet-août s’explique à hauteur de 12.000 nuitées par des congrès organisés au mois d’août et de 10.000 nuitées par la Semaine du cyclotourisme. Déduction faite de ces événements sans rapport avec le VAN, le gain de juillet-août se borne à 15.000 nuitées, soit 3,8 % : moins qu’au premier semestre et à peine plus qu’au niveau national, puisque l’hôtellerie a progressé de 3 % pour la France entière cet été selon l’INSEE. (Autre référence intéressante, le Puy du Fou a gagné 8 % de visiteurs en 2013.)

Outre ses extrapolations à partir de la taxe de séjour, le Voyage à Nantes cite quelques chiffres de fréquentation de ses sites. Le jardin des plantes aurait ainsi connu un record de 439.701 visites. On veut bien croire au record – l’exposition de Ponti était très sympa – mais cette précision à l’unité près paraît trop belle pour être honnête. A-t-on vraiment posté des agents de comptage aux quatre entrées du jardin de 8h30 à 20 h00 pendant les soixante-deux jours du VAN ? Cela représenterait plus de 2.800 heures de travail soit, au tarif du SMIC, pas loin de 27.000 euros de salaire brut rien que pour compter les visiteurs…

Le Nid serait en légère baisse, à 113.000 visiteurs contre 115.898 en 2012. On note cependant que le bilan du Voyage à Nantes 2012 affichait 138.321 visiteurs en haut de la tour Bretagne. Faut-il en conclure que le bilan 2012 avait été gonflé de 22.423 unités ? Autre « précision » bizarre, le VAN indique que 7.905 personnes auraient loué un Bicloo, nombre qui paraît ridiculement faible.

Le Voyage à Nantes avait « oublié » l’an dernier de publier un chiffre objectif dont il disposait mais qui était en baisse de 6 % : celui du nombre de visiteurs accueillis dans les bureaux de Nantes Tourisme. Il affiche cette année une hausse de 11 %… mais uniquement pour le bureau de la rue des États ! Faut-il avoir très mauvais esprit pour imaginer que le score du deuxième bureau, la station Prouvé, ne doit pas être brillant ?

Toute une série d’autres chiffres publiés l’an dernier et sûrement disponibles cette année aussi sont pareillement passés sous silence : nombre de visiteurs de la cour du château des ducs de Bretagne, pourcentage des voyageurs débarqués à Nantes Atlantique ayant séjourné à Nantes, évolution du nombre de tickets TAN vendus, chiffre d’affaires de la boutique du Lieu Unique, etc. Autant d’omissions qui contribuent bien sûr à nourrir les soupçons.

04 octobre 2013

Un bilan pas si bon

« Nantes, les dossiers qui fâchent », titre le numéro d’octobre 2013 de L’Expansion. Oh ! le magazine économique n’est pas d’une férocité extrême, pourtant. « La ville est fière de son offre culturelle, avec notamment l’agrandissement du musée des Beaux-Arts ou encore le Voyage à Nantes », y lit-on, non sans surprise. S’il avait pris en compte la vraie situation du musée (y a-t-il vraiment de quoi se vanter ?) ou les vrais chiffres du VAN (idem), le jugement final aurait pu être pire !

Mais où sont les palmarès d’antan ? Il y a vingt ans, dans les années 1990, Nantes caracolait en tête de tous les classements. Quand un magazine titrait sur elle, c’était systématiquement au superlatif. Nantes était la ville la plus agréable de France, la plus dynamique de France, celle où tout le monde désirait vivre. Aujourd’hui, Nantes reste une ville très appréciée mais occupe rarement la première place ; elle est rentrée dans le rang.

Les « dossiers qui fâchent » de L’Expansion sont les problèmes d’accès au centre-ville, les coûts « pharaoniques » de la politique culturelle, la présence massive d’étudiants alcoolisés et le projet de Notre-Dame-des-Landes. Au moins trois d’entre eux sont directement liés à des choix faits par la municipalité.

Les palmarès des années 1990, si élogieux que les chevilles de nos édiles n’en ont pas encore dégonflé, étaient dus aux atouts intrinsèques de la ville et à des décisions antérieures (tramway, TGV, université…). Élu en 1989, Jean-Marc Ayrault a bénéficié de cet héritage mais ne l’a pas vraiment fait prospérer. Malgré sa longévité à la mairie, il a fait moins bien que d’autres maires de grandes villes.

01 octobre 2013

Musée d’art de Nantes : la momie bouge un orteil

« Dimanche, le musée des Beaux-arts a fermé ses portes pour deux ans de travaux d’agrandissement », écrivait Jean-Marc Ayrault sur son blog le 26 septembre 2011. « Une fermeture avec la promesse d’un grand musée d’art à Nantes ouvert à tous les publics en 2013 ! » Où en est cette « promesse » faite il y a tout juste deux ans ?

On a l’impression que le musée est fermé depuis une éternité ! Alors qu’il devrait être en train de se préparer à s’ouvrir « à tous les publics », rien ne s’est passé. Mais ça pourrait changer : Nantes Métropole vient de publier un appel d’offres couvrant l’ensemble des travaux de réhabilitation et de construction.

Les travaux devraient commencer le 3 mars prochain. Deux « dates butoir » sont prévues : les nouvelles constructions devraient être livrées le 30 septembre 2016 et le palais réhabilité le 30 janvier 2018. Il aura donc fallu environ six ans et demi pour venir à bout d'un projet qui devait en demander deux. Et, une fois achevés les 47 mois de travaux là où l'on en prévoyait 27, le musée devrait rouvrir en 2018 au lieu de 2013 comme l'annonçait le maire de Nantes.

Et quand le Premier ministre nous dit que la reprise économique et la pause fiscale sont pour 2014, c’est pour quand en réalité ?