29 juillet 2012

L’Hôtel de la Duchesse Anne périt à petit feu


Il n’y a guère que huit ans que l’Hôtel de la Duchesse Anne a brûlé et présente sa façade ravagée face au château. Et dix mois que Jean-Marc Ayrault a donné un (petit) coup de poing sur la table en envoyant une lettre aux propriétaires « pour leur demander de bouger »* (on espère qu’il se fera mieux entendre de PSA Peugeot Citroën).

Voici plus de trois mois et demi, Rachel Bocher, adjointe au maire, annonçait sur les antennes de TéléNantes une prochaine « sortie de crise » (huit ans de crise ; on imagine PSA Peugeot Citroën en 2020 si rien ne bouge).

Alors, ça vient ? Il vaudrait mieux, et vite, car si les façades de l’hôtel serrent le cœur, l’envers est pire que l’endroit, à en juger par l’étonnant reportage photo de Louis-Benoît Greffe publié voici peu par le Floc’hington Post.
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* Cedric Blondeel et Marc Dejean, entretien avec Jean-Marc Ayrault, Presse Océan du 28 septembre 2012.

28 juillet 2012

Carrousel : un succès qui demeure local

Ouest France a publié mercredi les chiffres de fréquentation des Machines de l’île pour la semaine du 15 au 22 juillet, première semaine de fonctionnement du Carrousel des mondes marins. Premiers enseignements :
  1. L’Éléphant n’a pas été cannibalisé par le Carrousel : comme chaque été, il tourne à plein. Il a transporté 4.069 passagers pour un maximum théorique possible de 4.116 (49 passagers x 84 trajets).
  2. En revanche, la Galerie des machines souffre. Sa fréquentation estivale représente d’ordinaire entre trois et quatre fois celle de l’Éléphant (3,50 fois en juillet-août 2010, 3,75 fois en juillet-août 2011). Avec 8.964 visiteurs, le ratio tombe à 2,20 fois pour la semaine du 15 au 22 juillet. Le déficit est d’au moins 5.000 visiteurs sur la semaine.
  3. Ces 5.000 personnes se retrouvent probablement parmi les 19.297 visiteurs du Carrousel, qui truste près de 60 % des billets vendus par les Machines. Déduction faite de cet effet de vases communicants, la fréquentation globale du site a quand même progressé d’environ 70 %. L’objectif annoncé par les Machines, passer de 300.000 à 500.000 visiteurs par an (+ 66,7 %), est donc réalisable. Sous réserve bien sûr que le rythme de fréquentation se maintienne.
  4. Il se confirme que le Carrousel ne parvient pas à accomplir les cinq embarquements à l’heure annoncés par Pierre Orefice, ni même les quatre affichés au cours de sa construction (« 4 à 5 tours », assurait pour sa part Nantes Développement). Avec 19.297 personnes dans la semaine, dit Ouest France, il « fait le plein ». Sa capacité étant de 85 personnes par tour, il a donc accompli 227 tours (19.297 / 85), soit 3,24 tours par heure en moyenne.
  5. Les queues peuvent atteindre 1 h 30 en milieu d'après-midi mais sont à peu près résorbées en fin de journée, c'est-à-dire que le Carrousel , passé le premier jour, ne refuse pas grand monde, au contraire de l'Éléphant. S'il faisait réellement cinq tours à l'heure, il aurait théoriquement pu accueillir 10.453 passagers de plus dans la semaine (+ 50 % par rapport à son score réel), mais il n'est pas dit qu'il les aurait trouvés. Plus probablement, il aurait fonctionné au tiers vide, ce qui n'aurait pas donné le même sentiment de succès. Ainsi, sa relative lenteur n'est sans doute pas une mauvaise chose. Ce qui ne signifie pas qu'elle soit calculée.
  6. Les Machines restent une attraction locale. Elles le sont même de plus en plus : 46,7 % des visiteurs viennent de Loire-Atlantique, 8,32 % seulement des pays étrangers. En juillet-août 2011, les habitants du département représentaient 32,5 % de la fréquentation, les étrangers 12,5 %. Elles ne sont toujours pas devenues la locomotive touristique sur laquelle comptait Nantes Métropole.

27 juillet 2012

Le Mémorial déjà en rénovation

Achevé non sans peine, le Mémorial de l’abolition de l’esclavage est déjà malade. Les dalles de lave gravées bilingues qui accueillaient les visiteurs aux quatre entrées principales du site étaient largement fissurées. Elles ont été retirées ces derniers jours.

On a commencé à les remplacer par des plaques métalliques de même format, sans doute plus résistantes. Plus lisibles aussi. On en a profité au passage pour corriger le texte anglais
« The slabs of this commemorative tour give the names of these slave ships from Nantes… » y lisait-on, à propos des deux mille inserts de verre éparpillés sur l’esplanade. Hélas, slab désigne plus couramment une plaque tectonique, ce qui était tout de même très excessif en l’espèce. Tour, pour sa part, évoque plutôt un grand parcours. On lit désormais : « The plaques of this commemorative circuit give the names of these slave ships from Nantes… »

On ignore ce que ce changement d’idée aura coûté aux contribuables nantais. Mais il prouve bien que si Le Voyage à Nantes s’est dispensé de signaler ses caméras de vidéoprotection dans les conditions voulues par la loi, ce n’est pas par manque d’argent.

26 juillet 2012

Le Mémorial prend des libertés avec les libertés publiques


Comme on le disait ici voici deux mois et demi, le Mémorial de l’abolition de l’esclavage aurait dû avertir ses visiteurs qu’ils étaient filmés par les caméras d’un système de vidéoprotection. Le Voyage à Nantes a fini par admettre implicitement cette carence. Il a fait apposer une discrète pancarte en bas à gauche du grand escalier. On y lit en petits caractères : « Lieu ouvert au public placé sous vidéoprotection. (…) Pour tout renseignement merci de faire votre demande à l’adresse suivante : 1-3 rue Crucy 44000 Nantes ».

En réalité, le VAN a ainsi aggravé son cas. L'absence d'avertissement pouvait passer pour un oubli ou un retard. Mais l'avertissement enfin posé est résolument hors des clous*.

D'abord, il n’est pas conforme aux dispositions de l’arrêté préfectoral du 12 décembre 2011 qui a autorisé l’installation du système. Il aurait fallu indiquer : « Le droit d’accès aux images pourra s’exercer auprès du Directeur Général de la SPL ‘Le Voyage à Nantes’ sise 1-3 rue Crucy », etc. Jean Blaise n’avait probablement pas envie d’être embêté avec ça, mais remplacer « droit d’accès aux images » par « tout renseignement » s’appelle noyer le poisson.

Il y a plus grave. La loi dispose, et l’arrêté confirme, que les avertissements doivent être apposés à chaque point d’accès des sites vidéoprotégés. Déjà, l'unique pancarte ne suffit pas à avertir les visiteurs de la galerie, qui comporte trois entrées**. Or ce n’est pas seulement la galerie mais l’ensemble du site du Mémorial, intérieur et extérieur, qui est surveillé par des caméras. L’arrêté préfectoral l’indique expressément : « L’objet de ce système est le visionnage, la transmission, l’enregistrement et le traitement des images prises à l’intérieur du site du Mémorial ainsi qu’à l’extérieur ».

Mais où placer les avertissements sur un site largement ouvert ? La réponse n’est pas compliquée. Le Voyage à Nantes l’a même fournie d’avance. Il a été très capable d’expliquer l’objectif du Mémorial sur de grandes dalles posées à chacun des principaux points d’accès au site. L’emplacement des panneaux est donc tout trouvé. Il suffit de vouloir. Mais peut-être que pour le VAN toute com’ n’est pas bonne à prendre ?
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* L'objet très moral et politiquement correct du Mémorial ne signifie pas que l'établissement échappe au contrôle de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL). Celle-ci a contrôlé en 2011 des lieux aussi inoffensifs que Normale sup', la paroisse Notre-Dame de la Nativité de Bercy ou le Musée d'archéologie nationale. Et, s'agissant d'un lieu ouvert au public, n'importe qui peut saisir la CNIL.
** Plus l'entrée par l'ascenseur, où un second avertissement a été apposé.

24 juillet 2012

Dobrée emblématique et exemplaire

En 2010, l’architecte Dominique Perrault était commissaire du pavillon français de la Biennale d’architecture de Venise. Il y avait mis en valeur cinq villes françaises, dont Nantes. Jean-Marc Ayrault s’en était naturellement réjoui dans un texte qu’on peut encore lire sur son site  : « L’architecte et urbaniste, bâtisseur du Palais de Justice de Nantes et du futur Musée Dobrée, de renommée internationale depuis la création de la BNF en 1989, est en effet parti à la recherche des grands chantiers emblématiques et exemplaires des métropoles françaises. »
On connaissait déjà la triste évolution du Palais de justice, dont l’architecte s’appelle d’ailleurs Jean Nouvel et pas du tout Dominique Perrault. Voici à présent que le projet du Musée Dobrée prend un tour calamiteux avec l’annulation du permis de construire.
On espère évidemment que le Premier ministre choisit aujourd’hui avec plus de circonspection ses chantiers « emblématiques et exemplaires ».

23 juillet 2012

Le fayotage à Nantes

Sylvia Pinel, ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme, a bien aimé son voyage à Nantes jeudi dernier. Elle s’est fendue d’un communiqué qui n’aura sûrement pas déplu à son patron le Premier ministre. « La communauté d’agglomération de Nantes, sous l’impulsion de Jean-Marc Ayrault, a mené une politique de rapprochement entre culture et tourisme particulièrement réussie », assure-t-elle. « La fusion en 2010 dans une société d’économie mixte unique, baptisée Le Voyage à Nantes, de l’office de tourisme et de la SEM ‘Nantes Culture et Patrimoine’ a permis à la ville d’enrichir considérablement son offre culturelle et de bénéficier d’un rayonnement international. »

Le storytelling à la nantaise a sans doute contaminé Mme Pinel. D’abord Le Voyage à Nantes n’est pas une société d’économie mixte mais une société publique locale, ce qui change beaucoup de choses sur le plan de la transparence. Et puis, on voit mal en quoi la fusion de deux structures existantes enrichirait quoi que ce soit au point de susciter un enthousiasme international. Mais il est vrai qu’à Nantes, les comptes fantastiques de Pierre Orefice en sont témoins, 1+1 ne fait pas toujours 2. Encore heureux si ça ne fait pas 1,5.

22 juillet 2012

Carrousel : premiers tours pas si glorieux

L’ouverture au public du Carrousel des mondes marins, dimanche dernier, a été un franc succès populaire. Mais probablement pas un succès technique.

On disait ici l’autre jour que le Carrousel ne pourrait pas embarquer les cinq fournées de visiteurs à l'heure annoncées par Pierre Orefice. D’après les chiffres livrés par le patron des machines lui-même, il ne ferait en réalité que quatre tours à l'heure.

Et peut-être encore moins en réalité. Le jour de son ouverture au public, le Carrousel des mondes marins a reçu 2.563 visiteurs. Il a fonctionné à plein sans interruption de 10 heures à 20 heures, soit pendant dix heures. Et il peut accueillir 85 visiteurs par tour. Il n’a donc fait qu’une trentaine de tours (2.563/85 = 30,15), soit trois par heure. S’il tournait vraiment cinq fois par heure, il aurait reçu 4.250 visiteurs dans la journée (85 x 5 x 10), soit 65 % de plus que son score réel !

21 juillet 2012

Le rose ne marche pas ? Essayez le noir !

Un lecteur anonyme suggère en marge du précédent billet « une petite idée peut être pour une future oeuvre Estuaire...euh Le Voyage à Nantes » : inscrire dans le parcours la maison de la famille Dupont de Ligonnès, qui attire les curieux. Horrible ! Mais veut-on faire venir les touristes, oui ou non ?

Puisque la ligne rose ne fait pas assez recette, doublons-la d'une ligne noire. Elle passerait par l'entrepôt des tabacs, rue Lamoricière, où Carrier entassait les condamnés aux « baignades républicaines », le jardin des plantes, emplacement approximatif de l'exécution de Gilles de Rais, les croix de la rue Dufour marquant le lieu du martyre de saint Donatien et saint Rogatien, le monument aux 50 otages, le bout de trottoir en haut de la rue du Roi-Albert où fut assassiné le colonel Hotz, la place des Volontaires de la défense passive pour rappeler les quelque 1.800 victimes des bombardements de septembre 1943, la colonne Louis XVI, la plaque commémorant la mort de Jean Rigollet...


Des installations artistiques soutiendraient l’imagination du touriste et épateraient le bourgeois : guillotine sur la place du Bouffay comme en 1793 (« L'Ultime décollement »), pilori place du même nom, roues, gibets et billots ici ou là. Tant que le musée Dobrée n’aura pas rouvert, les plus belles pièces de sa salle d’armes seraient montrées en divers lieux de la ville (« Sans cimaise et sans mousqueton »). Au Muséum d’histoire naturelle, on ne pourra plus exposer la tête maorie tatouée, repartie pour la Nouvelle-Zélande, mais on retrouvera bien quelque part la peau de chouan tannée, cachée depuis quelques années.

En voilà du concept touristique ! Si avec ça on n’attire pas des foules d’amateurs de gore et de morbide…

19 juillet 2012

Concertation à la nantaise

Laurence Parisot, patronne du Medef, n’est pas contente de la dernière conférence sociale. Elle a l’impression que la « concertation » n’était qu’une façade. On a simplement fait semblant de l’écouter. « La conclusion du Premier ministre, jusqu’à certains de ses points clefs, avait sans doute été pensée à l’avance », a-t-elle déclaré à Leïla de Commarmond et Étienne Lefebvre, qui l’interrogeaient pour Les Échos du 18 juillet. « Ni les travaux préparatoires, pourtant intenses, ni les discussions des tables rondes au cours des deux journées précédentes n’ont été pris en compte. »

Cela rappellera sûrement quelque chose aux nombreux déçus de la concertation avec la mairie de Nantes. À l’instar de la culture, la concertation à la nantaise, c’est d’abord et avant tout de la com’.

17 juillet 2012

Schadenfreudobrée

Il y a quelque chose de grandiose dans l’annulation du permis de construire du nouveau musée Dobrée par le tribunal administratif. Comment le département de Loire-Atlantique et Nantes Métropole ont-ils donc réussi à se fourrer dans une telle billebaude malgré leurs armées d’urbanistes et de juristes ?

Comme s’il ne suffisait pas que le bâtiment construit par le département rue Voltaire en 1974 soit déjà bon à détruire, voilà que le bâtiment de 2012 n’est même pas bon à construire !

Tout va de travers avec Dobrée. Ne revenons pas sur la valse des conservateurs dont il a été question ici voici quelques mois. La valse des budgets n’est pas négligeable non plus. Lors de la fermeture du musée fin 2010, on annonçait un budget de 35 millions d’euros de travaux, ce qui n’était déjà pas mal pour un établissement qui reçoit moins de 50.000 visiteurs par an. Au mois de mars 2012, le budget était porté à 47 millions d’euros, soit 34 % d’augmentation sans que rien se soit passé, sinon un peu de temps.

Mais le plus anormal est encore le bouleversement impuni du concept architectural. Voici comment Le Journal des arts présentait le projet retenu après concours : « Dominique Perrault a séduit le jury avec son projet d’extension souterraine. Creusés sous les jardins, ces nouveaux espaces seront éclairés par la lumière naturelle grâce à une grande verrière imaginée en guise de plafond. Du point de vue du jardin, le verre évoquera un plan d’eau dans lequel se réfléchira l’architecture du musée. Cette poétique et judicieuse proposition a été accueillie avec soulagement par le département ». Une fois le marché attribué, le plafond de verre est devenu une dalle de béton. Bonjour la poésie.

Et l’architecte lui-même ne semble pas au courant ! Sur son site web, on peut encore lire ceci aujourd'hui : « nous avons imaginé un jardin poétique et magique dont la pièce centrale est une surface vitrée, miroitant comme de l’eau et reflétant les architecture des bâtiments du musée. (…) L’architecture se mêle au ciel, elle n’est plus pesante, elle flotte au-dessus de cette surface liquide, le verre comme une métaphore de l’eau. »

Résultat de cette poésie et de cette magie : les habitants du département ne sont pas près de voir le musée rouvert. Mais qu’ils s’apprêtent quand même à payer les frais de ces palinodies.

16 juillet 2012

Le Carrousel tourne plus vite que la pendule

Plus d’une fois, on a signalé ici les calculs bizarres, voire manifestement faux, livrés par Pierre Orefice, qu’il s’agisse du nombre de visiteurs des Machines, de la hauteur des constructions ou du calendrier.

Avec le Carrousel, c’est reparti pour un tour. En cause, cette fois-ci, la mesure du temps. « Il faut compter près de 8 minutes pour l’embarquement. Les tours feront 3 minutes 40. Et comptez ensuite 4 minutes de débarquement », a expliqué le directeur des Machines de l’île à Jean-Philippe Corbou, de Presse Océan (numéro du 15 juillet). « On fera donc cinq tours par heure. »

Ah ! oui ? 8 + 3,4 + 4 = 15,4 minutes. Le Carrousel ne fera donc pas cinq tours par heure mais moins de quatre ! Plus de 20 % d’écart : on espère juste que les calculs de rentabilité ont été établis sur des bases plus exactes. Il ne manquerait plus que le Carrousel vienne creuser le déficit des Machines, qui se situe déjà quelque part entre le plateau des abysses et celui des fonds marins !

15 juillet 2012

Le Carrousel des mondes marins, à temps mais tardif

Le Carrousel a donc été inauguré de belle manière au jour dit. Le scepticisme exprimé ici quant à sa date d’ouverture était infondé : c’est l’heure de faire amende honorable. Contrairement à celui du Mémorial de l’abolition de l’esclavage, le chantier a été superbement mené.

Du moins après son lancement, car lorsque Nantes Métropole a pris la décision de construire le manège, en 2007, il devait tourner à l’été 2009.

Les discours d’inauguration se sont bien gardés de le rappeler. Mais ils n’ont pu occulter ce que souligne (involontairement ?) Isabelle Labarre dans le compte rendu qu’elle en a fait pour Ouest France, intitulé : « Un manège géant, 25 ans après le dernier navire ». Oui, il a fallu vingt-cinq ans, dont vingt-trois ans de mandat Ayrault, pour que l’initiative municipale en vue de redynamiser l’économie nantaise parvienne à ce résultat remarquable : remplacer l’industrie navale par un manège.

D'après Jean-Marc Ayrault lui-même, « Nantes a refusé la fatalité et a relevé le défi du redressement en donnant le jour à des projets un peu fous comme celui-ci ». Un quart de siècle pour relever le « défi du redressement » par des projets « un peu fous » mais surtout très déficitaires, comme le sont les Machines de l’île à ce jour, y a-t-il vraiment de quoi se vanter ? Heureusement que les Nantais n’ont pas attendu le Carrousel !

Et Jacques Auxiette, dont on connaît le talent oratoire, d’assurer que le manège serait « une source d’inspiration pour le chef du gouvernement ». Diriger le pays en s’inspirant d’une réalisation qui tourne en rond, dont la rentabilité reste à prouver et qui arrive comme les carabiniers, est-ce bien raisonnable ?

09 juillet 2012

Le Serpent d’océan vient-il de Chine ou d'Amérique ?

Le Serpent d’océan de Huang Yong Ping, on l’a dit hier, est une œuvre impressionnante. Cela ne signifie pas qu’il échappe à la critique.

« La ligne de ses vertèbres joue avec la courbe du pont de Saint-Nazaire, et la manière dont il se pose rappelle l'architecture des carrelets, ces pêcheries typiques de la côte atlantique », assure Estuaire. Installé à Saint-Brévin face aux chantiers navals de Saint-Nazaire, ce serpent si local, en fonte d'aluminium, est-il aussi un hommage à la métallurgie de Loire-Atlantique ?
L’autre jour au fond d’un estuaire,
Un serpent piqua Saint-Nazaire.
Que croyez-vous qu’il arriva ?

Ce fut le serpent qui creva !
Hélas non. Jean Blaise l’a avoué à Alice Bordage, de la radio nantaise Prun’, qui a diffusé l’enregistrement en marge d’un entretien avec Marie-Laure Le Pomellec et Philippe Quintana  : « Le Serpent a été fait en Chine parce que Huang Yong Ping veut travailler avec ses artisans à lui, avec les gens avec qui il a l’habitude de travailler en Chine, donc on l’a fait en Chine. » L'explication est étrange puisque Huang Yong Ping a fui la Chine en 1989 et est installé en France depuis lors ; il a même obtenu la nationalité française. Ses animaux d'alu exposés depuis 2007 au château de Caen n'ont pas été réalisés par un fondeur chinois mais par la fonderie Nivet, dans les Côtes-d'Armor.

Un souci d’économie, alors ? Ce ne serait pas moins curieux. Cette œuvre est cofinancée par les contribuables locaux et par le Fonds européen de développement régional (Feder) : la moindre des choses aurait été de recourir aux compétences locales, qui ne manquent pas. Et d’ailleurs, à la question « Combien ça coûte ? » posée par Prun’, Jean Blaise répond : « J’en sais rien et je m’en fous complètement » (sic).

La vraie raison pourrait être encore plus dérangeante : le Serpent d'océan n’est pas réellement une œuvre originale. Il a été montré (ou son frère jumeau), enroulé sur lui-même, à la Gladstone Gallery de New York en 2009. Estuaire n’a eu que des restes. De beaux restes, il est vrai.

08 juillet 2012

Estuaire englouti

Le Voyage à Nantes, qui joue tantôt du « monument dispersé », tantôt de la « ville renversée », tantôt du « parcours pérenne », suit une logique marketing moins nette que sa ligne rose.

Mais il y a pire : Estuaire a disparu, phagocyté par la manifestation nantaise. C’est normal : il y a soixante-dix ans que l’USP est un concept de base des publicitaires et bien des siècles qu’on sait qu’il ne faut pas courir deux lièvres à la fois.

L'équipe de Jean Blaise n'essaie même plus de présenter Estuaire 2012 comme une opération autonome. La biennale est devenue un appendice du Voyage à Nantes et figure au programme sous la même couverture. C’est dommage pour le saisissant Serpent d’Océan de Huang Yong Ping*, injustement fourré dans un vaste bric-à-brac. 

C’est aussi un gâchis financier puisque le budget d’Estuaire est du même ordre que celui du VAN, environ 8 millions d’euros. Soit pour les deux opérations une facture globale de 16 millions d’euros – somme qui devra servir de base au bilan de l’action de Jean Blaise après le 19 août**. En attendant, voici une indication objective de l’impact d’Estuaire, l’évolution du nombre de recherches sur le mot « estuaire » enregistrées par Google Trends :
Les recherches peuvent porter aussi bien sur le nom propre que sur le  nom commun. Mais on constate nettement un pic correspondant à Estuaire 2007. On voit aussi qu’Estuaire 2009 a beaucoup moins intéressé le public… et qu’Estuaire 2011 remis à 2012 suscite à peine un clapotis.
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* On y reviendra.
** Comme indiqué ici dans un post du 25 mai, Didier Fusillier, ami et homologue lillois de Jean Blaise, cite à propos du VAN un budget de 16 millions d'euros. Il intègre donc implicitement Estuaire au VAN.

07 juillet 2012

À Dieu ne Blaise

Marie-Pierre avait vu la Vierge. De 2005 à 2010, elle a tenu une fois par mois à Vallet un « cénacle » où la mère de Jésus parlait par sa bouche devant des centaines de personnes, venues souvent de fort loin. Elle avait créé une association qui multipliait les activités de bienfaisance (aide aux démunis, accueil de femmes en détresse, enseignement en Afrique…) grâce aux dons des fidèles.

Dons, vous avez dit « dons » ? Voilà ce qui fâche ! Voilà le point faible ! La « messagère de l’amour », une fois rejetée par l’Église, intéresse la justice qui ouvre une enquête pour escroquerie. Il n’y a sans doute pas grand chose à gratter puisque Marie-Pierre n’est finalement poursuivie que pour « recel de bien obtenu à l’aide d’un abus de confiance ». Sur les sommes reçues des fidèles, 29.000 euros auraient servi à rénover sa maison. Pas le hold-up du siècle, mais après tout, Al Capone est bien tombé pour fraude fiscale…

Et puis, Le Voyage à Nantes
ne s'est pas rangé sous le
signe de la croix mais
sous celui de la banane.
Résumons-nous. Une brave dame un peu allumée prétend faire de la religion avec une statue de la Vierge, quelques cierges et de bonnes paroles. Les gogos accourent et s’extasient. L’argent coule à flots. C’est suspect.

Un brave homme nettement allumé prétend faire de la culture avec un mur d’escalade, quelques crêpes et de grandes déclamations. Les gogos accourent et s’extasient. L’argent coule à flots. C’est magnifique.

Mais n'allons pas comparer. Le financement du Voyage à Nantes ne doit rien à la générosité d'un public crédule : il est pris d’autorité dans la poche des contribuables. Et de toutes façons, l’affaire de Marie-Pierre a fait flop : le tribunal correctionnel de Nantes vient de relaxer la messagère de l’amour.