29 octobre 2008

Les bargeaults de l’île de Nantes

Le cheminement le long de la Loire au droit des défunts chantiers est l’une des rares réussites de l’île de Nantes. La passerelle métallique sous le pont Anne de Bretagne permet un contact presque charnel avec le fleuve. Les marées et les crues s’y ressentent, au point d’interdire parfois le passage. Les submersions s’y lisent aux laisses déposées ça et là. Et la marche au ras des flots jusqu’à l’ancienne cale des chantiers, face au quai de la Fosse, invite le promeneur à imaginer la vie qui a pu animer la Loire jadis. Il serait dommage que cette allée soit coupée de l’eau par l’installation à demeure de la barge flottante projetée par l’architecte Olivier Flahault. Pourtant, c’est bien vers quoi l’on se dirige : en approuvant le projet, le maire de Nantes a affirmé – sans autre justification – que c’était « le meilleur emplacement possible ». Ayrault, Flahault, même combault !

L’intérêt soudain du maire de Nantes pour ce nouveau projet privé laisse rêveur. L’aménagement de l’île de Nantes a en principe été mûrement réfléchi depuis vingt ans, et voilà qu’une fois de plus on va voir un lapin imprévu sortir du chapeau, après le Hangar à bananes, en attendant le nouveau CHU…

Les opposants ne désarment pas. « Nous n’en voulons pas ici, sur un espace symbolique, lieu de mémoire de l’histoire ouvrière et industrielle de Nantes », proclament-ils. On se réjouit de voir des gens clairement venus de la gauche s’éprendre d’histoire et de mémoire, d’ex tenants du matérialisme se passionner pour un symbole. Demain, sans doute, ils verront dans la barge Flahault une insulte aux prisonniers vendéens noyés par le républicain Carrier dans ces parages… On s’étonne en revanche qu’ils aient attendu ce projet, qui conserve quand même un rapport avec la construction navale, pour s’indigner. Le Grand Éléphant, instrument de loisirs futiles, caprice gratuit d’une municipalité qui voulait une danseuse, n’occupe-t-il pas avec au moins autant d’impudence le même espace symbolique, lieu de mémoire ouvrière… ?

25 octobre 2008

La culture, c'est comme la déconfiture

"Sur le plan de la culture, Nantes avance à toute allure. Illustration avec la deuxième édition du festival L'Eté indien aux Nefs et son bestiaire monumental", écrit imprudemment Télérama du 24 octobre. Télérama, à qui rien de ce qui est bobo n'est étranger, a sûrement voulu bien faire en servant la soupe à la municipalité nantaise. L'erreur est d'avoir illustré son article par une photo du Grand éléphant. Comme on sait, la vitesse de pointe de l'animal ne dépasse pas 2 km/h, sa vitesse de croisière étant plutôt de l'ordre de 1 km/h. Et voilà comment "sur le plan de la culture, Nantes avance à toute allure"...

24 octobre 2008

Le patrimoine recyclé sur le tard

Nantes a donc désormais une direction du patrimoine et de l'archéologie dirigée par une vraie pro (même si passer de la conservation du château des Ducs à la direction d'un service administratif de huit personnes ne ressemble pas exactement à une promotion). Il fallait bien ça pour seconder l'adjoint au patrimoine, infirmier de formation, que seule son ardeur socialiste désignait pour s'occuper de vieilleries.

La nouvelle direction doit sa création à la triste affaire de l'îlot Lambert. Juste avant la construction du Carré Bouffay de Kaufman & Broad, on avait découvert sur ce terrain une rue médiévale et un puits du 15e siècle. Il était trop tard pour bloquer la construction... et cela aurait été un peu fort de café puisque le terrain était resté en friche pendant des années sans que les services officiels d'archéologie songent à y faire la moindre recherche.

Mais la découverte essentielle était dans les têtes plus que dans le sous-sol : soudain, après dix-neuf ans de mandat, la municipalité de Jean-Marc Ayrault s'apercevait que Nantes possédait un patrimoine archéologique...

Yannick Guin, adjoint à la culture depuis les débuts de l'ère Ayrault (et aujourd'hui remplacé) avait alors fait un commentaire qui vaut d'être rappelé : « La responsabilité de l’archéologie est dispersée entre de trop nombreuses administrations, si bien que personne ne prend les devants ». Bel hommage à l'efficacité du service public !

Et voilà pourquoi, face à des administrations trop nombreuses, on a créé une administration de plus...

21 octobre 2008

Tous ces projets se feront

Dans Presse-Océan d'hier, Jean-Marc Ayrault cherchait à rassurer sur l'avenir de ses grands projets. Les nouveaux ponts sur la Loire, le nouveau Saupin, le transfert du CHU, "tous ces projets se feront", assure-t-il. Il riposte manifestement à un article paru la semaine dernière qui mettait en doute l'avenir du Mémorial de l'esclavage. Pour bien apprécier la détermination et l'efficacité du maire de Nantes (ou, en l'occurrence, du président de Nantes Métropole), il est bon de rappeler la chronologie du Mémorial à ce jour :

1998 : Le conseil municipal de Nantes décide d'ériger un monument à l'abolition de l'esclavage
2000 : Un comité de pilotage rédige un cahier des charges et présélectionne des artistes
2003 : Le projet de Krzysztof Wodiczko est retenu par le conseil municipal
2004 : Wodiczko vient à Nantes régler les détails du projet qui doit être achevé fin 2006
2005 : Nantes Métropole adopte le programme de réalisation
2006 : Lancement d'appels d'offres (BOAMP du 8 juillet)
2007 : Rien n'est encore fait, mais Nantes Métropole vote une augmentation du budget (conseil du 9 mars)
2008 : Rien n'est encore fait, mais Nantes Métrople demande une réduction du budget

Pour apprécier à quel point les promesses du président de Nantes Métropole sont crédibles, on peut se reporter à la présentation du Mémorial affichée sur le site web de la communauté urbaine (http://www.nantesmetropole.fr/28836968/0/fiche___pagelibre/), qui assure : "Les aménagements du site débuteront au premier trimestre 2008. Le Mémorial ouvrira ses portes au public à l'automne 2009."
C'était du moins ce qu'on pouvait y lire ce 21 octobre ; si la Métropole a un webmestre digne de ce nom, ce texte devenu grotesque devrait être bientôt modifié !

20 octobre 2008

Les Déconantes : la méforme d'une ville

Julien Gracq n'est plus là pour revenir commenter ce que devient Nantes au XXIe siècle, ainsi qu'il l'avait fait en 1985 avec La forme d'une ville. On va essayer de faire sans. Nantes est une ville qui bouge. Il s'y fait des choses. Mais la litanie de ce qui y est fait de travers, ou pas fait du tout, depuis une vingtaine d'années, a de quoi mettre en rogne. Que d'occasions manquées ! Que de possibilités gâchées ! Que d'argent public gaspillé ! Que de bonnes volontés fourvoyées !